Philosophe et essayiste français, Michel Onfray est l’auteur de plus d’une centaine d’ouvrages publiés, dont certains ont connu un grand succès, y compris à l’étranger, où il est traduit en vingt-huit langues. Fondateur de l’université populaire de Caen et plus récemment d’une web TV indépendante, il est l’un des philosophes les plus connus et appréciés du grand public. Quelques-unes de ses dernières publications : La vengeance du pangolin. Penser le virus (2020), Vies parallèles. De Gaulle & Mitterand (2020), La nef des fous. Des nouvelles du Bas-Empire (2021), L’art d’être français – Lettres à de jeunes philosophes (2021).
Place d’armes (PdA) : Voyez-vous dans les enjeux de sécurité un problème social, un problème de moyen financier ou autre ?
Michel Onfray (MO) : C’est un problème de volonté ! Ceux qui, de droite et de gauche, sont dans la logique maastrichtienne de destruction des pays, des États, des nations au profit d’un grand conglomérat libéral qui transforme le monde en vaste supermarché, laissent faire le sale boulot de décomposition de la France à ces délinquants qui constituent un genre d’avant-garde révolutionnaire de leur processus nihiliste. Le président Macron ne cesse de leur donner des gages en disant, jadis, qu’il n’y a pas de culture française et, récemment, qu’il faut célébrer les racines africaines de la France, tout en niant ses racines chrétiennes ! Cette volonté de ne pas toucher à ces fossoyeurs de la France est proprement politique.
PdA : Peut-on espérer résoudre l’insécurité en changeant de personnel politique ?
MO : Non pas en changeant de personnel politique, mais de projet politique. Car, qu’est-ce qui, sur le fond, distingue Mitterrand d’après 1983 et Chirac ? Giscard et Mitterrand ? Hollande et Sarkozy ? Car Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron défendent la même politique européiste et libérale. Xavier Bertrand est semblable à Anne Hidalgo, Valérie Pécresse défend la même idéologie que Barnier, etc. Marine Le Pen a récemment donné des gages à ce camp-là en croyant gagner en crédit : elle a tout perdu et c’est Zemmour qui ramasse la mise non pas sur le principe du Chirac des années 1970, Chirac a été maastrichtien sauf quarante-huit heures à l’hôpital de Cochin, ce sont ses éléments de langage, mais sur celui du Jean-Marie Le Pen des années 80.
PdA : L’insécurité prend-elle de l’ampleur dans notre pays ?
MO : La possibilité de tout filmer et de tout mettre en ligne rend visible une insécurité qui, jadis, l’était moins, pas ou peu. Une enseignante a été jetée à terre par un élève, la chose a été filmée en cours et mise en ligne dans la foulée. Ce qui est mis en ligne tourne en boucle sur les plateaux des chaînes d’information continue où la gauche minimise et rend la société responsable et la droite maximalise pour des raisons électoralistes. Par ailleurs, la fin de l’État français qui a renoncé à être un pays souverain avec la ratification du Traité de Maastricht en 1992 a laissé le pays dans un état de déliquescence avancé : l’école, la police, la justice, l’armée, la presse sont à vau-l’eau. Le pire est à venir.
PdA : Dans une situation critique, pensez-vous que l’intervention de l’armée dans le cadre légal de l’état de siège puisse servir d’électrochoc ?
MO : La guerre civile qui existe actuellement à bas bruit deviendrait alors une guerre civile de haute intensité. Je ne crois pas que le pays accepterait quelque état de siège que ce soit. Justice, médias, partis politiques, syndicats, universitaires, enseignants qui sont acquis au gauchisme culturel et à l’idéologie woke prendraient partie contre. Il faudrait alors à l’armée mener deux types des guerres : contre les délinquants dans les territoires perdus de la république et dans la rue contre les manifestants qui prendraient fait et cause pour eux. Les manifestations de soutien à la famille Traoré ne sont pas dérisoires ! Cette pacification générerait paradoxalement une guerre civile inédite…
PdA : Comment interprétez-vous le sondage selon lequel 49 % des Français soutiennent une intervention de l’armée ? Tentation du coup d’État ou simple ras-le-bol des politiques ?
MO : Les Français ne voient pas comment régler le problème du nœud gordien autrement qu’en le tranchant. L’Armée bénéficie d’un capital de confiance et de respect là où la classe politique dans sa totalité est totalement déconsidérée. Ils pensent donc que l’armée pourrait agir, mais si elle agit de son propre chef, nous sommes dans une dictature militaire. Si, comme ce doit être le cas dans une démocratie, elle obéit au chef de l’État, il lui faudrait, pour décider de l’état de siège, invoquer l’article 16 de la Constitution qui suppose une validation de l’Assemblée nationale. Je crois que les institutions ne fonctionnent plus assez bien pour activer le dispositif constitutionnel. Ni même le crédit du chef de l’État dont la fonction a été constamment rabaissée depuis Mitterrand.
PdA : Que pensez-vous de l’emballage de l’Arc de Triomphe ?
MO : Il me faudrait vous répondre longuement, je viens de publier un livre intitulé Les raisons de l’art qui répond à votre question. Je crois que dans une époque où l’on n’enseigne plus rien, ni l’art ni l’art contemporain, les jugements en la matière sont non fondés et beaucoup ne se privent pas pour dire d’incroyables sottises sur l’art contemporain sans s’y être penché ne serait-ce que dix minutes. La question n’est pas « pour ou contre l’art contemporain », mais « que peut-on aimer ou ne pas aimer dans l’art contemporain et pourquoi ». Pour ma part je défends l’emballage de Christo qui apprend à mieux voir ce qui a été emballé puis déballé, mais pas du tout le monument à Johnny Hallyday de Bertrand Lavier qui s’avère d’un kitsch d’étudiant en première année des Beaux-Arts.
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