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« Malheur à la Cité dont le prince est un enfant » (Ecclésiaste 10:16)

Mon éditorial du 3 juin dernier, intitulé « Le 9 juin 2024, l'heure de vérité ? » se terminait ainsi : « Ces élections européennes du 9 juin 2024 doivent être le moment de lancer un avertissement à nos dirigeants et de créer un moment de bascule pour inverser le rapport de force avec le président de la République qui oublie qu'il est au service d'un souverain qui s'appelle le peuple. Les citoyens français doivent donc se mobiliser massivement pour permettre le sursaut salutaire et nécessaire car il faut refuser énergiquement cet Etat européen fédéral fantasmé, destructeur de la nation, rejeter fermement cette guerre (Ukraine) qui n'est pas la nôtre et s'élever résolument contre l'islamisation de la France, terre chrétienne. Alors, aux urnes citoyens ! ». Le verdict est tombé le 9 juin au soir : il est sans appel pour le président de la République qui ne peut que reconnaître un désaveu total de sa politique et qui se traduit par une déroute bien plus lourde qu'il pouvait l'imaginer. Mais cette débâcle du camp présidentiel pourrait n'être qu'anecdotique si ses conséquences pour la France et les Français n'étaient pas aussi funestes en raison de la réaction extravagante du président dès le résultat de l'élection connu.

En effet, au-delà de la surprise déroutante créée, la décision du président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale ne peut que provoquer de nombreuses questions légitimes sur une démarche qui ne peut pas être fondée uniquement sur le résultat, certes calamiteux mais portant cependant sur l'élection du nouveau parlement européen, élection habituellement peu mobilisatrice et sans grande incidence sur le plan national. En réalité, la conception très personnelle de l'exercice du pouvoir par ce président ainsi que la haute idée qu'il se fait de lui-même – la surmédiatisation de son image et de sa parole qu'il impose en témoignent – conduisent à penser que cette dissolution relève plus du domaine psychologique ou psychique que de la rationalité.

En effet, de son propre aveu, sa décision n'est pas rationnelle : « ça ne m'a pas fait plaisir dimanche. Ça fait 7 ans que je travaille comme un fou pour que le pays aille mieux et qu'il avance. Je l'ai pris pour moi » (Le Parisien). Un tel propos est incompréhensible dans la bouche d'un président. Il est révélateur d'un manque de sang-froid et d'une prise de décision s'apparentant à celle d'un gamin capricieux qui, sous le coup de la colère, décide de casser son jouet parce qu'il n'accepte pas une réprimande. Peut-on imaginer, dans ces conditions, une réaction aussi peu rationnelle dans la guerre entre l'Ukraine et la Russie quand on connaît la position officielle de la France ? Le revers subi dans cette élection européenne constitue, en fait, une blessure hautement narcissique qui ne pouvait donc pas rester sans réponse, quitte à ce que cette dissolution, motivée par une volonté pathologique de punir les Français pour l'offense infligée, mette en péril la France et la nation. Car c'est bien ce qui risque de se produire, la plongée du pays dans le chaos, d'autant plus que cette dissolution suscite non seulement crainte et rancœur dans son propre camp mais libère sa parole. Edouard Philippe, ancien Premier ministre, n'est pas tendre : « c'est le président de la République qui a tué la majorité présidentielle. Il l'a dissoute ». C'est ainsi que les candidats de son parti se présentent sans l'étiquette de la majorité. Cela a, en outre, conduit des soutiens de premier plan du président à prendre leur distance. Un moment de colère non maîtrisé aux conséquences suicidaires !

Par ailleurs, au-delà de la consternation créée au niveau national mais également européen et international par cette dissolution, l'annonce de cette dernière faite à peine une heure après la fermeture des bureaux de votes dans les grandes villes signifie que le président l'avait décidée avant le 9 juin. Car il est bien conscient que sur les plans économique et financier certaines échéances sont incontournables. Pour ne prendre que le volet budgétaire, le bilan est catastrophique puisque le déficit public s'élève à 154 Mds € pour 2023 et à 90 Mds € pour le seul premier quadrimestre de 2024 avec une dette qui flirte avec les 3200 Mds € ! Cela exclut toute possibilité d'atteindre les 3 % de déficit, limite fixée par les traités européens, avant 2027. Cela s'est d'ailleurs traduit récemment par un abaissement de la note de la France, et les agences de notation alertent, après cette dissolution, sur les risques concernant la maîtrise budgétaire de notre pays. Cerise sur le gâteau pour le président, la Commission européenne devrait ouvrir une procédure contre la France pour déficit excessif ! Dans ce contexte plus qu'alarmant, le président sait qu'il se trouve dans une impasse budgétaire et que son gouvernement aurait très probablement été renversé à l'automne, après le vote d'une motion de censure, au moment de la discussion sur le budget 2025. Mais la personnalité du président ne se prête pas à la perspective d'accepter une telle humiliation et un tel désaveu. Cette dissolution lui permet, pense-t-il, de reprendre la main pour refuser d'assumer sa responsabilité pleine et entière sur l'impasse budgétaire dans laquelle est plongé le pays et qu'il refilera au prochain gouvernement, très probablement de cohabitation.

Enfin, les propos tenus par le président, le 10 juin à Oradour-sur-Glane, représentent une circonstance aggravante qui avaliserait la préméditation de cette dissolution envisagée bien avant l'élection européenne. « Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent… ». Révélés par Le Monde, ces propos, démentis par la présidence, sont cependant maintenus par la rédaction du journal. En fait, l'élection européenne n'aurait servi que de prétexte pour cette dissolution car les élections législatives de 2022 n'ont pas donné une majorité absolue au président, ce qui a entraîné de nombreuses tensions dans les rapports exécutif/législatif, l'utilisation répétitive du 49-3 par le gouvernement ayant cristallisé toutes les rancœurs. Il lui fallait donc essayer de reprendre la main face à la contestation. Ces propos sont révélateurs non seulement d'un manque de discernement mais surtout d'une volonté malsaine de transgresser des principes fondamentaux comme l'intérêt général ou le bien commun, simplement pour laver l'affront subi, ce qui dénote un exercice pervers, cynique et sans limites du pouvoir. Car ce n'est pas agir pour la France et le peuple français que de régler ainsi ses comptes. Un président ne devrait pas dire ça. Un président ne devrait pas faire ça. Ne s'agit-il pas d'un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat (art. 68 de la Constitution) ?

Les conséquences d'une telle décision éruptive, de surcroît à un mois des Jeux olympiques, pourraient être dramatiques pour la France et les Français. Les mauvais calculs du président et sa lecture erronée des réalités ainsi que son refus constant de la critique plongent le pays dans une période d'incertitude, voire de danger extrême. Son obsession de vouloir à tout prix maintenir jusqu'en 2027 un face à face politique entre extrême-centre (qu'il représente) et rassemblement national (RN) en cherchant à écarter tous les autres partis aura été balayée par sa dissolution. En effet, d'un côté, il aura réussi à unir gauche et extrême gauche qui s'étaient divisées – car incompatibles dans de nombreux domaines – en un nouveau front populaire (NFP) pour lequel l'antisémitisme est manifestement devenu un point de détail et la violence un mode d'action pour certains de ses membres. Restera-t-il uni après les élections législatives ? D'un autre côté, l'alliance passée entre le RN et une partie des Républicains (LR) aura brisé le cordon sanitaire établi depuis près de 50 ans entre la droite classique et la droite nationale. Il faut d'ailleurs rappeler que le programme du RPR dans les années 1990 était identique, sur de nombreux points touchant à l'immigration, à celui du RN (fermeture des frontières, arrêt de l'immigration, prestations sociales réservées aux Français). Le diktat instauré et autorisant l'alliance des gauches et interdisant celle des droites est donc dorénavant caduc et on peut penser qu'à l'avenir cette dernière pourra s'élargir encore.

Le président de la République a une responsabilité immense dans la crise politique majeure créée par cette dissolution qui conduira inévitablement à une crise de régime et même au-delà. En effet, « ayant tué, ayant dissout la majorité présidentielle » distancée dans les sondages par les deux blocs qu'il aura réussi à mettre sur pied, le président a politiquement terminé son quinquennat. Sa méthode, ses calculs, le calendrier retenu, la certitude d'avoir toujours raison, le refus de toute contestation, les haines que suscitent sa personne le conduisent à être perçu comme celui qui a mis le feu à la maison. Il risque d'ailleurs, contrairement à ce qu'il affirme, d'essuyer une lourde défaite dans les urnes les 30 juin et 7 juillet prochains qui le contraindra, au mieux pour lui, à la nomination d'un gouvernement de technocrates dans le cas d'une assemblée nationale sans majorité et ingouvernable – avec le risque permanent d'un renversement à la suite du vote d'une motion de censure – et donc l'ouverture d'une période d'immobilisme, au pire à une cohabitation avec un gouvernement de gauche et d'extrême-gauche ou avec un gouvernement de l'alliance des droites. La personnalité de M. Macron ne se prête pas à la perspective d'une cohabitation. Il a ouvert la boîte de Pandore et on ne voit pas comment il envisage de résoudre ce dilemme dans l'intérêt de l'Etat et de la nation. Se soumettre ou se démettre, c'est la question qui se posera à lui. L'ancien président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, estime d'ailleurs que le président devrait démissionner pour sortir du chaos. En fait, en voulant par cette dissolution tendre un piège au RN donné largement en tête depuis plusieurs mois pour qu'il se heurte aux réalités du pouvoir et échoue avant l'échéance de la prochaine élection présidentielle prévue en 2027, le président pourrait s'être piégé lui-même. Il n'avait pas imaginé qu'il aurait contribué si efficacement à l'unité d'une gauche très divisée jusque-là et à l'alliance d'une droite impossible depuis 50 ans. « La grenade dégoupillée » lancée maladroitement pourrait en faire une victime collatérale majeure. Il faut noter, enfin, que même à l'étranger, le président commence à être inaudible et que son ambition affichée sur le plan international est en train de perdre en crédibilité et son influence de s'effondrer.

Les Français sont donc appelés à se rendre aux urnes les 30 juin et 7 juillet prochains pour élire leurs nouveaux députés. Pour les patriotes, les amoureux de la France, tous ceux qui veulent défendre et pouvoir continuer à transmettre notre héritage historique, spirituel et culturel, le choix est évident, car il est à présent existentiel : il faut faire barrage au bloc de gauche et d'extrême-gauche et à celui d'extrême-centre, immigrationnistes tous deux et alliés objectifs en matière d'immigration extra-européenne incompatible avec nos valeurs, le premier voulant en faire le nouveau peuple, le second s'en servant pour détruire la nation. Le moment est cependant grave et si l'alliance des droites obtient la majorité absolue – ce qui est hypothétique mais souhaitable – ses dirigeants doivent être conscients des difficultés qu'il faudra surmonter dans une cohabitation engagée à couteaux tirés avec un président peu disposé à s'effacer, mais également avec une opposition déchaînée, voire violente à l'extrême-gauche, un contrôle sourcilleux des juridictions, des pressions de l'UE et des syndicats, des violences possibles dans la rue. Des garanties pour la mise en application des mesures urgentes annoncées devront être obtenues avant d'accepter de gouverner sous peine d'échec et de perte de crédibilité.

En tout état de cause, quel que soit le bloc – ou l'éventuelle coalition du centre si aucune majorité n'est obtenue – qui formera le futur gouvernement, cette cohabitation sera tempétueuse, voire brutale et dommageable pour la France. Elle est, de plus, contraire à l'esprit de la Constitution de la Vème République car elle contrevient à la souveraineté populaire. Est-il, en effet, envisageable d'accepter une situation de blocage pendant au moins un an avant une nouvelle dissolution ? Une question se pose alors : le président, responsable devant le peuple, peut-il se maintenir lorsqu'il est désavoué par ce dernier dans une élection qu'il a lui-même provoquée ? Le 7 juillet prochain au soir, le président saura s'il est désavoué une seconde fois en moins d'un mois.


Le 24 juin 2024

Général (2s) Antoine MARTINEZ

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